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Décision du CSCA n° 30-07

12 déc 2007

 

Décision du CSCA N° 30-07 du 1er Hijja 1428 (12 décembre 2007)  relative à la plainte de l’association marocaine des droits humains contre la Société Soread 2M, au sujet d’un reportage diffusé lors du journal télévisé concernant les émeutes survenues à sefrou le 23 septembre 2007

 

 

Le Conseil Supérieur de la Communication Audiovisuelle,

 

Après avoir pris connaissance de la plainte déposée par l’Association Marocaine des Droits Humains (AMDH), en date du 15 novembre 2007, contre la Société SOREAD 2M, au sujet d’un reportage diffusé par cette chaîne lors de son journal télévisé de fin de soirée du 24 septembre 2007 concernant les évènements survenues à Séfrou le 23 septembre 2007 ;

 

Après avoir pris connaissance de la réponse de la Société SOREAD 2M, reçue par la Haute Autorité en date du 3 décembre 2007 ;

 

Vu le dahir n° 1.02.212 du 22 Joumada II 1423 (31 août 2002) portant création de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle, notamment ses articles 3 (alinéas 8, 11, 13 et 16), 4, 5, 11 et 12 ;

 

Vu la loi n° 77-03 relative à la communication audiovisuelle, promulguée par le dahir n° 1-04-257 du 25 Kaâda 1425 (7 janvier 2005), notamment son préambule et ses articles 3, 8, 46 et 48 ;

 

Vu la décision du Conseil Supérieur de la communication audiovisuelle n° 46.06 du 04 Ramadan 1427 (27 septembre 2006) relative aux règles de garantie du pluralisme d’expression des courants de pensée et d’opinion dans les services de communication audiovisuelle en dehors des périodes électorales, notamment ses articles 2, 11 et 12 ;

 

Vu le cahier de charges de la Société SOREAD 2M, notamment son préambule et ses articles 4, 28, 30.1 et 41 ;

 

Vu la charte déontologique de diffusion établie par la Société SOREAD 2M et notifiée à la Haute Autorité de la communication audiovisuelle, conformément aux dispositions de l’article 41 de son cahier de charges, notamment l’article 3.1 relatif à l’honnêteté de l’information et des programmes ;

 

Après avoir pris connaissance des documents relatifs à l’instruction établis par les services de la Direction Générale de la communication audiovisuelle à ce sujet;

 

 

APRES EN AVOIR DELIBERE

 

Attendu que la plainte de l’AMDH affirme que le service télévisuel 2M de la Société SOREAD 2M a diffusé, dans le cadre de son journal télévisé de fin de soirée du 24 septembre 2007, un reportage sur les évènements survenues dans la ville de Séfrou le 23 septembre 2007, « faisant assumer la responsabilité desdits évènements à l’AMDH » et « se contentant de diffuser la déclaration du gouverneur de la Province de Séfrou qui a considéré que le sit-in organisé par la section locale de l’AMDH était illégal et non autorisé par les autorités locales et que ce sit-in avait généré des comportements ayant causé la détérioration de biens et la mise en feu de véhicules… », de même que 2M s’est limité à relayer l’opinion du gouverneur de la Province de Séfrou sans donner la parole aux responsables de l’AMDH, en précisant que, contrairement à la déclaration du gouverneur, le sit-in organisé par la section de cette association ne nécessitait ni dépôt de déclaration, ni autorisation ;

 

Attendu que la plainte a précisé, également, que les responsables locaux de l’AMDH à Séfrou avaient encadré le déroulement du sit-in depuis « Bab El Mourabaâ » à Séfrou et sont restés responsable de sa bonne tenue jusqu’à l’annonce de sa dispersion, ensuite les bannières avaient été pliées et ramenées par ces responsables qui avaient quitté le lieu du sit-in, mais, un groupe d’habitants de Séfrou ayant alors décidé de quitter « Bab El Mourabaâ » pour se diriger vers la Préfecture requérant un dialogue avec les autorités locales sur certains problèmes de la population et que, n’ayant pas trouvé d’interlocuteur, les événements avaient pris cette tournure ;

 

Attendu que, sur la base de ce qui précède, la plaignante demande au Conseil Supérieur de la communication audiovisuelle d’ordonner à SOREAD-2M la diffusion de sa déclaration en ce qui concerne son opinion sur les événements survenus à Séfrou le 23 septembre 2007, en application du principe de pluralisme d’opinion et de respect de la diversité des points de vue ;

 

Attendu que la SOREAD 2M a affirmé, dans sa réponse, que, contrairement aux allégations exposées dans la plainte, la présentation du reportage n’a porté aucune accusation ni à l’AMDH, ni à sa section, et qu’elle n’a pas évoqué l’interdiction du sit-in organisé par la section de l’association, mais que celle-ci s’est basée sur des informations relatives à l’organisation d’un sit-in sans autorisation et a signalé que le sit-in organisé avait connu des dérapages qui l’avaient transformé en manifestation et confrontation entre citoyens (et non l’Association) et forces de l’ordre provoquant quelques dégâts, ce qui a été évoqué, autrement, dans sa plainte par l’association ;

 

Attendu que SOREAD 2M a considéré que le reportage a été fait au lendemain des événements survenus à Séfrou afin de « permettre aux citoyens d’appréhender l’état des lieux après ces événements et que la couverture n’était pas destinée au sit-in organisé par l’AMDH, qui n’avait, d’ailleurs, pas demandé une telle couverture à la chaîne », comme elle a rappelé « qu’elle avait couvert, le 31 octobre 2007, une conférence de presse durant laquelle a été présenté un rapport établi par une autre association de droits humains (l’Organisation Marocaine des Droits de l’Homme) qui revendiquait un jugement équitable pour les individus interpellés à cause de leur implication dans ces événements ;

 

En la forme :

 

Attendu que l’AMDH est reconnue d’utilité publique, ce qui lui permet de saisir le Conseil Supérieur de la communication audiovisuelle par plainte relative à des violations, par les organes de communication audiovisuelle, des lois ou règlements applicables au secteur de la communication audiovisuelle, en application des dispositions de l’article 4, 1er alinéa, du dahir n° 1.02.212 susmentionné ;

 

Attendu qu’il convient, de ce fait, de déclarer la plainte recevable, en la forme,

 

Sur le fond :

 

Attendu que la plaignante fait grief, d’une part, à la Société SOREAD 2M  de « lui avoir fait porter la responsabilité des événements vécus par la ville de Séfrou le 23 septembre 2007 (premier volet du grief), comme  elle a diffusé la déclaration du Gouverneur de la province de Séfrou  qui considère que le sit-in organisé par la section de l’AMDH à  Séfrou était illégal et non autorisé par les autorités locales et que ce sit-in avait généré des comportements ayant causé la détérioration de biens et la mise en feu de véhicules… » (deuxième volet du grief) ;

 

Attendu, toutefois, pour ce qui concerne le premier volet du grief, qu’il s’est avéré, aussi bien d’après la réponse de SOREAD 2M que de l’instruction menée par les services de la Direction Générale de la communication audiovisuelle, que le reportage a précisé que le sit-in a eu lieu sur initiative de l’association plaignante – ce que ne nie pas cette dernière quand bien même elle prétend ne pas être impliquée dans les événements qui ont suivi – et que celui-ci a dégénéré en émeutes sans aucune évocation de la responsabilité de l’association dans le déclenchement desdites émeutes, en conséquence de quoi on ne pourrait affirmer catégoriquement que 2M a fait porter la responsabilité des dérapages à l’AMDH ;

 

Attendu, pour ce qui concerne le deuxième volet du grief, qu’il s’est avéré, aussi bien d’après la réponse de SOREAD 2M que de l’instruction menée par les services de la Direction Générale de la communication audiovisuelle, que le gouverneur de la Province de Séfrou, dans sa déclaration lors du reportage, n’a pas mis en cause l’AMDH, n’a pas évoqué le caractère légal ou illégal du sit-in et a juste déclaré que « les forces publiques sont intervenues afin de protéger les citoyens et leurs biens et de rétablir l’ordre et, dans ce cadre, plus de 30 personnes impliquées dans ces événements ont été interpellées » ;

 

Attendu qu’il ressort de ce qui précède que, contrairement aux allégations exprimées dans la plainte, 2M n’a pas fait porter à l’association la responsabilité des dérapages  survenus après le sit-in qu’elle a organisé, de même que la déclaration du gouverneur de la province de Séfrou ne contient pas les affirmations qui lui sont reprochées ;

 

Attendu que, sur cette base, le premier grief de la plainte n’est pas fondé, dans ses deux volets ;

 

 Attendu que la plaignante fait grief, d’autre part, à la Société SOREAD 2M, d’avoir diffusé uniquement  le point de vue du gouverneur de Séfrou au sujet des événements survenus, en exclusion du point de vue des représentants de l’Association à propos des mêmes événements ;

 

Attendu qu’effectivement, conformément aux dispositions de l’article 3, paragraphe 13, du Dahir portant création de la Haute Autorité, des articles 3, 8 et 48 de la loi 77-03 relative à la communication audiovisuelle, des articles 4, 28 et 30.1 du cahier de charges de SOREAD 2M, de l’article 2 de la décision du Conseil Supérieur de la communication audiovisuelle n° 46.06 relative aux règles de la garantie du pluralisme d’expression des courants de pensée et d’opinion dans les services de communication audiovisuelle en dehors des périodes électorales et de l’article 3.1 de la charte déontologique de diffusion de la Société SOREAD 2M relatif à l’honnêteté de l’information et des programmes, l’opérateur est tenu au respect du pluralisme d’expression des courants de pensée et d’opinion et de diffuser des informations honnêtes et pluralistes ;

 

Attendu que l’opérateur n’a pas respecté le principe de pluralisme d’opinion susmentionné lorsqu’il a cité l’AMDH à deux reprises, en précisant qu’elle avait appelé à un sit-in sans autorisation, qui a dégénéré en émeute, sans lui donner l’occasion de s’exprimer à cet égard ;

 

Attendu que le fait que l’AMDH n’ait pas invité l’opérateur à couvrir le sit-in et le fait de donner la parole aux citoyens, au représentant d’une association et au représentant des autorités locales afin de s’exprimer sur lesdits événements, ne sont pas susceptibles de dispenser l’opérateur de l’obligation de donner la parole à l’Association plaignante pour informer le public de sa position vis-à-vis de ces événements, puisque le reportage relie, de par sa formulation et sa présentation, ces événements au sit-in auquel l’association plaignante avait appelé ;

 

Et attendu que, si les dispositions de l’article 5 du Dahir n° 1-02-212 ne permettent pas d’accéder à la demande de l’association plaignante visant à diffuser sa déclaration, elle habilitent néanmoins le Conseil Supérieur de la communication audiovisuelle à « imposer aux entreprises de communication audiovisuelles la publication de mise au point ou de réponse à la demande de toute personne ayant subi un préjudice, à la suite de la diffusion d'une information portant atteinte à son honneur ou qui est manifestement contraire à la vérité », et c’est le Conseil Supérieur « qui fixe le contenu et les modalités des dites publications » ;

 

 

PAR CES MOTIFS :

 

1.        Déclare recevable en la forme la plainte de l’Association Marocaine des Droits Humains ;

 

2.        Déclare irrecevable la demande de l’AMDH visant à ordonner à la Société SOREAD 2M de diffuser une déclaration de ladite association pour exprimer son point de vue pour ce qui concerne les événements survenus à Séfrou le 23 septembre 2007, car contraire aux dispositions de l’article 5 du Dahir n° 1-02-212 ;

 

3.        Déclare que la Société SOREAD 2M, à travers le reportage diffusé sur la chaîne 2M dans le cadre de son journal télévisé de fin de soirée du 24 septembre 2007 au sujet des émeutes survenus à Séfrou le 23 septembre 2007, bien qu’elle ait donné la parole aux citoyens et au représentant d’une association et au représentant des autorités locales pour s’exprimer au sujet de ces événements, a manqué au principe de pluralisme d’opinions, du fait qu’elle n’a pas donné la parole à l’AMDH pour qu’elle puisse informer le public de sa position vis-à-vis des mêmes événements, puisque le reportage relie, de par sa formulation et sa présentation, lesdits événements au sit-in auquel l’Association avait appelé et ce, nonobstant le fait que l’opérateur n’ait pas été invité par l’Association en tant qu’organisatrice de ce sit-in ;

 

4.        Ordonne à la Société SOREAD 2M de diffuser le texte du paragraphe 3) du prononcé de la présente décision au début des journaux télévisés principaux de la soirée du jour suivant la date de réception de cette décision ;

 

5.        Ordonne la notification de cette décision à la Société SOREAD 2M et à l’Association Marocaine des Droits Humains, ainsi que sa publication dans le Bulletin Officiel.

  

 Délibérée par le Conseil Supérieur de la Communication Audiovisuelle lors de sa séance du 1er Hijja 1428 (12 décembre 2007), tenue au siège de la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle à Rabat, où siégeaient Monsieur Ahmed Ghazali, Président, Madame Naïma El Mcherqui et Messieurs Mohammed Naciri, Mohammed Noureddine Affaya, El Hassane Bouqentar, Salah-Eddine El Ouadie, Ilyas El Omari et Abdelmounïm Kamal, Conseillers.

 

 Pour le Conseil Supérieur

de la Communication Audiovisuelle,

Le Président

Ahmed Ghazali

 


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