Décision du CSCA n° 46-06 du 27 septembre 2006 relative aux règles de la garantie du pluralisme dexpression des courants de pensée et dopinion dans les services de communication audiovisuelle en dehors des périodes électorales.
Le Conseil Supérieur de la Communication Audiovisuelle,
Vu le Dahir n° 1.02.212 22 joumada II 1423 (31 août 2002) portant création de la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle, particulièrement les articles 3 (alinéa 13) et 22 (1er paragraphe) ;
Vu la Loi n° 77.03 relative à la communication audiovisuelle promulguée par le Dahir n° 1.04.257 du 25 kaada 1425 (7 janvier 2005), notamment le préambule et les articles 3, 4, 8 (alinéas 1 et 3), 9 (alinéa 3) et 48 (paragraphe 2 alinéa 4) ;
Considérant labsence de textes juridiques ou réglementaires en vigueur définissant les règles nécessaires au respect du pluralisme dexpression des courants de pensée et dopinion en dehors des périodes électorales ;
Après en avoir délibéré, conformément à la loi, en séance plénière du Conseil Supérieur de la Communication Audiovisuelle, en date du 04 ramadan 1427 (27 septembre 2006).
Décide :
Préambule
Le Dahir n° 1.02.212 du 22 joumada II 1423 (31 août 2002) portant création de la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle et la Loi n° 77.03 relative à la communication audiovisuelle, ont reconnu le respect du pluralisme dexpression des courants de pensée et dopinion dans les services de communication audiovisuelle en tant que principe immuable, auquel les opérateurs doivent sengager, et ont chargé le Conseil Supérieur de la Communication Audiovisuelle de veiller à son respect.
Dans ce cadre juridique, le pluralisme, quels que soient son contenu et sa forme, est moins un but en soi quun moyen prévu par le législateur afin dassurer au téléspectateur et à lauditeur une information complète et honnête.
Le pluralisme nest pas uniquement un devoir des opérateurs audiovisuels envers les acteurs sociopolitiques, mais principalement un droit dû au citoyen, qui oblige les opérateurs à présenter au public une information honnête, impartiale et objective ; la finalité étant de respecter le droit du citoyen à laccès aux différentes opinions et aux diverses sources dinformation, pour quil puisse former ses propres opinions et convictions en toute liberté et objectivité.
Au regard de ce qui précède, conformément aux dispositions de larticle 22 du Dahir portant création de la Haute Autorité et afin de garantir un accès équitable des courants de pensée et dopinion aux médias audiovisuels, dans un cadre législatif respectant la liberté de programmation des opérateurs et insistant sur leur responsabilité éditoriale à cet égard, le Conseil Supérieur met en place les normes de régulation suivantes :
Article 1
Les dispositions de cette décision sappliquent afin de garantir le pluralisme dexpression des courants de pensée et dopinion politiques, sociaux, économiques ou intellectuels et ce, en dehors des périodes électorales.
Article 2
Le Conseil Supérieur de la Communication Audiovisuelle veille au respect du pluralisme dexpression des courants de pensée et dopinion, et particulièrement en ce qui concerne linformation politique, par les opérateurs du secteur public de la communication audiovisuelle. Il veille, également, au respect de ce pluralisme par les opérateurs privés de la communication audiovisuelle chaque fois que la nature, le genre de programmes et de sujets que ceux-ci proposent au public lexigent.
Article 3
Les opérateurs de la communication audiovisuelle concernés doivent accorder aux partis, aux organisations syndicales, professionnelles et représentatives dans le domaine économique, ainsi quaux autres organisations sociales à vocation nationale, selon leur importance et leur représentativité institutionnelle ou sociétale, des temps dantenne et de parole équitables dans les programmes dinformation.
En outre, tout en tenant compte des horaires de diffusion et du genre de chaque programme, particulièrement pour les journaux et les magazines dinformation, les émissions débats et les émissions dexpression directe, ces temps dantenne et de parole devront permettre aux entités susvisées, dune part, de bénéficier dune couverture convenable de leurs activités principales et, dautre part, dexprimer leurs opinions et leurs positions vis-à-vis de lactualité et des questions dintérêt public.
Article 4
Le temps dantenne est la totalité du temps consacré sur une télévision ou une radio à un sujet donné, quelles quen soient les modalités de déroulement et de déclinaison.
Par temps de parole, on entend le seul temps pendant lequel un intervenant sexprime.
Le temps dantenne et le temps de parole sont comptabilisés tant pour une première diffusion que pour les rediffusions, à condition que la durée séparant la rediffusion considérée de la première diffusion ne dépasse pas une année.
Article 5
La représentativité et limportance des partis politiques sont évaluées sur la base des formations et des regroupements politiques au sein du Parlement.
La représentativité des organisations syndicales est déterminée selon leur importance et en fonction du résultat des élections des délégués des salariés dans les secteurs public et privé.
La représentativité des organisations professionnelles est déterminée selon leur représentativité au sein de la Chambre des Conseillers ou en fonction de leur importance à léchelle nationale.
En outre, limportance des organisations sociales à vocation nationale est définie selon la nature de leurs objectifs et leur domaine dactivité.
Article 6
Les opérateurs de la communication audiovisuelle veillent à ce que le temps cumulé des interventions des membres du Gouvernement et des partis de la majorité parlementaire ne dépasse pas le double du temps consacré aux partis appartenant à lopposition parlementaire au sein de la Chambre des Représentants, tout en respectant des conditions de programmation comparables et similaires.
Les concepts de « majorité » et d « opposition » sont estimés selon les votes sur le programme gouvernemental, la loi de finance et la dernière motion de censure, en cas de recours à cette procédure lors du mandat législatif en cours.
Article 7
Les opérateurs de la communication audiovisuelle sont tenus daccorder à lensemble des partis non représentés au Parlement un temps pour exprimer leurs positions vis-à-vis des événements et des questions dintérêt public, de lordre de 10% du temps global consacré au Gouvernement et aux partis de la majorité et de lopposition parlementaire.
Article 8
Les opérateurs de la communication audiovisuelle sengagent à respecter les règles précitées dans les services locaux et régionaux, en tenant compte des données locales et régionales relatives à la zone géographique couverte.
Article 9
Le respect du pluralisme par les opérateurs de la communication audiovisuelle est estimé sur une base trimestrielle pour les journaux dinformation et sur une base semestrielle pour les émissions de débat et les autres émissions.
Article 10
Chaque opérateur fait parvenir à la Haute Autorité, dans le délai des sept jours suivant chaque fin de mois, un rapport sur le pluralisme et laccès équitable à ses services par les courants de pensée et dopinion, et en particulier les partis politiques et les organisations syndicales, au cours du mois précédant et ce, selon les règles énoncées dans cette décision.
La Haute Autorité établit des rapports périodiques sur la garantie de lexpression pluraliste des courants de pensée et dopinion et les fait parvenir au Gouvernement, à la Présidence des deux Chambres du Parlement et aux responsables des partis politiques, des organisations syndicales et des Chambres professionnelles représentées au Parlement. Elle les publie, également, dans les médias. Ces rapports contiennent un relevé de la durée des interventions des personnalités politiques, syndicales et professionnelles dans les programmes des services de radio et de télévision.
Article 11
Le Conseil Supérieur de la Communication Audiovisuelle traite les plaintes relatives à la garantie du pluralisme dexpression des courants de pensée et dopinion, reçues par la Haute Autorité et émanant des personnes morales désignées par larticle 4 paragraphe 1 du Dahir n° 1.02.212 du 22 Joumada II 1423 (31 août 2002) portant création de la Haute Autorité, dans un délai maximum de trente jours à partir de la date de lenregistrement de ladite plainte au bureau dordre de la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle.
La Haute Autorité envoie une copie de chaque plainte, accompagnée de son dossier à lopérateur concerné, dans le but de lui permettre de prendre connaissance des faits reprochés, dexprimer ses observations et ses requêtes et de présenter tout ce quil juge utile en vue déclairer les délibérations du Conseil. Lopérateur doit envoyer sa réponse à la Haute Autorité dans un délai maximum de sept jours à partir de la date de sa réception du courrier de la Haute Autorité. Le Conseil peut, sur la demande écrite de lopérateur, autoriser son Président à donner un délai supplémentaire ne dépassant pas sept jours, à condition que cela ne nuise pas aux mesures susceptibles dêtre prises par le Conseil.
Article 12
Le Conseil Supérieur de la Communication Audiovisuelle notifie sa décision à la partie plaignante ainsi quà lopérateur objet de la plainte. Il la publie partiellement ou intégralement dans la Bulletin Officiel sil le décide.
Le Président du Conseil Supérieur peut diffuser un communiqué à ce sujet dans les médias.
Article 13
La décision du Conseil Supérieur de la Communication Audiovisuelle, visée à larticle 12 ci-dessus, peut faire lobjet, le cas échéant, dun rapport contenant ses observations et ses recommandations. Ce rapport peut aussi être publié partiellement ou intégralement dans les médias et dans le Bulletin officiel.
Article 14
Les dispositions de la présente décision entrent en vigueur à la date de sa publication au Bulletin Officiel.
Délibérée par le Conseil Supérieur de la Communication Audiovisuelle lors de sa séance du 04 Ramadan 1427 (27 septembre 2006), tenue au siège de la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle à Rabat, où siégeaient Monsieur Ahmed Ghazali, Président, Madame Naïma El Mcherqui et Messieurs Mohammed Naciri, Mohammed Noureddine Affaya, El Hassane Bouqentar, Salah-Eddine El Ouadie, Abdelmounïm Kamal et Ilyas El Omari, Conseillers.
Pour le Conseil Supérieur
de la Communication Audiovisuelle,
Le Président
Ahmed Ghazali